Les grandes entreprises sont-elles trop grosses pour innover ?

Les grandes entreprises sont-elles trop grosses pour innover ? Quelques réflexions suscitées par les débats qui se sont tenus lors de la conférence Too big to innovate, jeudi 11, au festival Futur en Seine. Par Bénédicte de Linares

Les grandes entreprises sont-elles trop grosses pour innover ? C'est à cette question que la conférence Too big to innovate qui s'est tenue jeudi 11 au festival Futur en Seine a tenté de répondre, au travers de deux tables rondes, la première sur le management de l'innovation et la seconde sur l'innovation ouverte. Quelques idées et réflexions suscitées par les débats...

 

Les grandes entreprises ont pris conscience de l'ampleur de la révolution numérique et surtout qu'elle n'épargnera aucun secteur. « Il n'existe pas d'abri anti-numérique » déclare ainsi Muriel Barnéoud, PDG de Docapost (Groupe La Poste) lors de la table ronde consacrée à l'innovation ouverte. En partie mues par la crainte de se voir « ubériser », comme l'admet Augustin de Romanet, PDG d'Aéroports de Paris (ADP), dans un des keynotes d'introduction, elles ont donc entrepris leur transformation pour intégrer le numérique dans toutes les dimensions de leur organisation. Diverses initiatives sont lancées visant à tester et s'approprier les nouvelles technologies et pratiques numériques : applis mobiles, drones, big data, objets connectés, hackathons, incubateurs de startups... font partie de la panoplie des moyens employés.

 

Les plus avancées (ou les plus menacées…) ont inscrit le numérique au cœur de leur stratégie depuis quelques années déjà. Ainsi, le plan Fnac 2015 avait pour objectif de faire évoluer le modèle de business du distributeur pour contrer les avancées de son concurrent Amazon, tout en l'orientant vers une voie autre que celle des pure player, combinant distribution physique et digitale, comme l’explique Alexandre Bompard, président de la Fnac.

 

Redéfinir son métier à l'aune du numérique

 

Avec son plan à 18 mois présenté en début d’année, Sncf estime en être à la troisième étape de sa transformation. Entre temps, la compagnie a mené un travail en profondeur de redéfinition de son métier à l'aune du numérique. Elle se positionne désormais comme un intégrateur de solutions de mobilité, selon les mots de son président, Guillaume Pépy, en conclusion de la journée.  

 

Et comment cette mutation est-elle vécue à l'intérieur de l'entreprise ? Comment est-elle comprise ? Comment est perçue cette volonté d’insuffler une culture de l’innovation au sein de l’entreprise, pour répondre au besoin de réinvention permanent ?

 

La révolution numérique, un choc pour l'entreprise à faire comprendre en interne

 

Pour les participants aux deux tables rondes, il ne fait aucun doute que le numérique crée un choc que les collaborateurs doivent comprendre et assimiler. « Les entreprises vivent une mutation anthropologique, avec une évolution des rapports sociaux » lance Francoise Mercadal Delasalles, directrice des ressources et de l’innovation du Groupe Société Générale, et participante à la première table ronde sur le management de l’innovation. Et de citer le philosophe Michel Serres : « la révolution numérique est la troisième rupture, après l'invention de l'écriture et celle de l'imprimerie ». 

 

D'où l'idée de distribuer largement des tablettes et de déployer des réseaux sociaux d'entreprise (RSE). « Tant qu'on n'a pas les outils en main, on ne peut pas vivre la transformation » affirme Francoise Mercadal Delasalles. A la Maif, le réseau interne « fait bouger l'entreprise, casse les silos et développe la logique de communautés. Demain, il s’ouvrira aux sociétaires », ajoute Romain Liberge, Chief Digital Officer à la Maif, qui travaille, avec son université d'entreprise, sur le développement d'un socle de littéracie numérique.

 

Un ordre managérial bousculé

 

Casser les silos, aplanir les hiérarchies, libérer la parole… Ces méthodes favorisent l’innovation mais bousculent l’ordre établi des organisations et du management. Engie (ex GDF Suez) a mis en place une plateforme d’idéation ouverte à tous. « Nous sommes dans un système d’hyper démocratie qui remet en cause les rites managériaux », confirme Ludovic Parisot, son directeur de l’innovation. Pour aider ses managers à surmonter ce changement, la Maif les envoie découvrir des entreprises au management novateur et « libéré » comme l’industriel Poult.

 

Les entreprises bougent et s'engagent volontairement sur la voie du digital. Mais comme le rappelle Natalie Rastoin, DG d'Olgivy France, qui participait à la deuxième table ronde sur l’open innovation, la vraie révolution, « la transformation sociétale de l’entreprise », est loin d’être accomplie. 

17/06/2015